Jérôme
Ferrari, Le sermon sur la chute de Rome,
Acte sud, 2012
Trois générations sont représentées, avec leurs
souvenirs, leurs projets, leurs désillusions. Le récit se développe autour de Libero
et Mathieu, qui abandonnent des études prometteuses en philosophie pour suivre
en Corse les enseignements de Leibniz : ils souhaitent faire d’un débit de
boisson perdu dans un village loin de la côte « le meilleur des mondes
possibles ». Mais les fondations sont en argile : Libero a
renoncé non seulement à ses études mais également à sa foi en l’homme. Mathieu,
qui n’a jamais accepté ce qu’il est, se crée un monde imaginaire, où tout va
pour le mieux… et « l’enfer en personne s’invite au comptoir ». En marge,
les histoires des membres de la famille de Mathieu, offrent le même constat :
rien ne dure. Et qui plus est, tout est éternel recommencement. En toile de fond, le sermon sur la chute de
Rome, prononcé par Augustin, au Ve siècle, à Hippone : la ville « éternelle » est tombée sous
les assauts d’Alaric. Toute une conception du monde est remise en cause et
Augustin cherche à apaiser les âmes, en leur expliquant que rien n’est éternel
ici bas (je réduis certainement son propos, désolée !).
L’homme aussi est un monde, un microcosme, qui
naît, évolue et chute, irrémédiablement. Il cherche, d’une manière ou d’une
autre, à s’inscrire dans l’éternel. Certains alors nient cet état, d’autres
refusent l’oubli. Chaque personnage gère donc – ou pas – à sa manière cette
sensation de course vers le néant. Mais la vie, les projets doivent prendre le
dessus, il ne peut en être autrement. A mon sens, la question du choix est
également primordiale dans ce roman : certains renoncent, d’autres s’emploient
à construire, même si le terrain est instable.
Les titres des chapitres reprennent le sermon de
Saint Augustin et donnent le ton : « Peut-être Rome n’a-t-elle pas péri
si les Romains ne périssent pas », « Toi, vois ce que tu es. Car
nécessairement vient le feu. », « Car Dieu n’a fait pour toi qu’un
monde périssable. ». L’écriture de Jérôme Ferrari est exigeante, prenante,
parfois étouffante : les pensée des personnages se bousculent et se
perdent parfois dans un chaos, illustration de leur état. Des moments de
respiration laissent entrevoir des instants de paix, d’équilibre.
La vie de certains personnages est détruite et c’est
le renoncement. D’autres ont connu la destruction et se reconstruisent. L’écriture,
parfois alambiquée, illustre la complexité du sujet, qui, en somme a autant de
développements possibles que de mondes existants. Et le vôtre, de quoi est-il
fait ?
A lire donc ?
RépondreSupprimerJumelage
Je le conseille oui ;)
RépondreSupprimerAprès la lecture de ton billet, j'ai relu le prix 2012... Autre lecture et effectivement mise en perspective de l'auteur du petit, du très petit... Que nous sommes minables parfois ! Quand serons-nous grand ? Un petit livre, en poche chez Babel, à lire à relire...
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