À l’instar du prix Femina, le
prix Renaudot est né d’une réaction face au prix Goncourt. Mais le parallèle s’arrête
là. Car, si le Goncourt est issu d’une volonté de donner ses lettres de
noblesse au roman, si le Femina a
pour but de valoriser les auteurs tous sexes confondus, le prix Renaudot est
décerné à l’origine par dix journalistes et critiques littéraires qui attendent,
autour d’un déjeuner, le nom du lauréat du prix Goncourt. Il s’agit donc d’un
prix « officieux », qui trouve sa genèse dans l’ennui (et la faim !)
des journalistes qui couvrent l’événement. Depuis 1926, les « dix du
Renaudot » se réunissent donc le même jour que les « dix du Goncourt »
et se prononcent traditionnellement après ces derniers. Souvent, deux ouvrages
sont sélectionnés, au cas où l’un d’entre eux serait nommé par le Goncourt. Il
flotte donc comme un léger parfum de rectification du prix décerné par l’académie.
Mais pourquoi Renaudot ?
Non, il ne s’agit pas du nom du fondateur mais de Théophraste Renaudot, né en
1586. Ce vieux monsieur, médecin et philanthrope, est également considéré comme
le fondateur de la presse en France, avec la Gazette, outil de propagande et d’information.
Il n’est effectivement pas possible de parler de presse libre : « Renaudot
n’a jamais caché l’état de subordination dans lequel se trouvait son journal :
“Ma plume n’a été que greffière”. Et les propos du cardinal : “ La gazette
fera son devoir ou Renaudot sera privé des pensions dont il a jouy jusqu’à
présent. ” » (Site internet du musée Renaudot, Loudun). Le prix Renaudot
est donc un prix décerné par des hommes et des femmes à l’origine issus du
monde de la presse.
Il est intéressant de noter les
différentes orientations des prix qui aujourd’hui participent pleinement à la
vie littéraire et économique du livre : le Goncourt est une fondation
reposant sur des hommes de lettres pour la défense d’une forme artistique, tandis
que le prix Femina ainsi que le prix Renaudot sont nés d’une volonté d’offrir
au lecteur le son d’une autre voix, celle de la presse.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Le Renaudot, tout comme les autres grands prix littéraires, essuie des
critiques : magouilles entre les éditeurs, auteurs, membres du jury… Le
Renaudot 2007 est d’ailleurs souvent cité pour illustrer cela. En effet, cette
année-là, c’est Daniel Pennac qui est primé. Le problème ? Son ouvrage
était absent de la sélection…
Il est cependant rassurant, je
trouve, de voir qu’un prix né d’un déjeuner informel entre collègues, puisse
perdurer. En effet, cela prouve (ou prouvait ?), sans démagogie, que la
littérature est avant tout une affaire de lecteurs. Car, au final, c’est l’avis
de ces derniers qui va permettre, ou non, de faire d’une œuvre inconnue, une
création reconnue.
Sources :
Site référence du prix Renaudot :
http://www.prixrenaudot.org/
Edition numérique du Dictionnaire des journalistes (1600-1789),
confié à l’UMR LIRE (Unité mixte de recherche sur la Littérature, Idéologies,
Représentations au XVIIIe et XIXe siècles, université Lumière Lyon 2) et à l’Institut des Sciences de l’Homme : http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/677-theophraste-renaudot
Le site internet du Musée
Renaudot à Loudun : http://www.museerenaudot.com/press_f.htm
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