lundi 2 décembre 2013

vendredi 29 novembre 2013

« Work Hard, Have Fun, Make History », bienvenue en terre amazonienne



Charlie Chaplin, Les temps modernes, 1936. © Roy Export S_A_S, courtesy Musée de l'Élysée, Lausanne 
Ça y est ! C’est bientôt la période des fêtes et des cadeaux. Qu’ils soient faits mains, amusants, symboliques, ou délicieusement futiles, ça a un coût. Et que dire lorsqu’il faut commander : va-t-il arriver à temps ? C’est là qu’arrivent les petits bons fabriqués avec soin pour faire patienter, devenant parfois un véritable moyen d’expression.

Une autre solution, moins créative : Internet. Et là, on trouve de tout – et euh, parfois n’importe quoi – à tous les prix. A ce titre, Amazon est LE site de vente en ligne, où Joyce Carol Oates côtoie le dvd de la dernière saison d’Hollywood Girl. C’est  dire s’il est possible, pour tous, de trouver son bonheur. Plus besoin de commander chez un commerçant, même plus besoin de se déplacer et le must : la commande arrive en deux jours… Si c’est pas tip top ça ! Mais je me questionne : comment font-ils pour aller si vite ? Ah oui, il y a des sites en Allemagne, et trois en France. Mais tout de même, lorsque je commande un livre chez mon libraire, cela prend plus de deux jours, parfois une semaine… C’est bizarre.


Alors mon enquête débute, projet professionnel oblige, par l’étude de la chaîne du livre, entendez sa chaîne de fabrication, de la création artistique au lecteur. Bon, passons sur le terme de « chaîne » qui déjà est bien connoté. Non, ce qui m’intéresse ici, c’est le nombre d’intermédiaires nécessaires pour que le travail d’un esprit arrive entre les mains d’un lecteur. Et il y en a du monde : tout d’abord, un auteur, puis un éditeur, mais aussi un diffuseur, un distributeur. S’ensuivent la librairie – ou points de ventes, grandes surfaces –, la bibliothèque – si si, elle a un rôle important ! – et, tout au bout, nous. Et oui, c’est une véritable économie, avec de nombreux acteurs, qui travaillent ensemble. On a même envie de dire que si l’un se casse la figure, ça va être dur dur pour les autres. Enfin bref. Tout ça pour dire, que pour que l’objet arrive entre nos mimines fébriles, il faut du temps, juste un peu. Parce que bon, faut pas exagérer : attendre une semaine, ce n’est pas non plus la mer à boire… Et cela est valable pour tout : il y a toujours, derrière l’objet, des petites mains qui conçoivent, préparent et diffusent.


Oui, mais… si on a oublié d’acheter le cadeau ? Si on a trop de boulot ? Si l’idée est arrivée tardivement ? Si on en peut plus de ne pas savoir comment le Docteur va faire pour sauver, une nouvelle fois, le monde ? On se tourne vers les sites de vente en ligne, dont Amazon : c’est assez plaisant en effet, d’avoir l’objet tant convoité seulement 48 heures après avoir passé la commande. Au fil de mes recherches, sur Internet cette fois, je découvre de nombreux articles sur cette entreprise : concurrence déloyale, conditions de travail déplorables, non paiement d’impôts, le boom du livre numérique, et des portraits du PDG Jeffrey Preston Bezos. Nous sommes en 2013, et on en parle depuis au moins 2008… J’ai un « léger » retard sur le sujet. Hum. En tout cas, Amazon est partout. 



Finalement, je lis l’article de Jean-Baptiste Malet « Amazon, l’envers de l’écran », publié dans Le Monde diplomatique de novembre 2013 (n°716). Le journaliste a pu voir, vivre, le quotidien des employés. Il en ressort un article qui, à mon sens, est suffisamment étayé pour achever de me convaincre : Amazon a un fonctionnement dangereux et son « Work Hard, Have Fun, Make History » me fait un peu peur. La démarche première de cet article, était de vous convaincre de ne plus acheter sur Amazon. Le boycott donc. Mais cet objectif ne me satisfaisait pas : j’ai acheté sur Amazon sans me poser de question. Elles sont – enfin ! – venues au fil de mes lectures, de mes déambulations et de mes achats, que je veux les plus raisonnés possibles – j’entends par là « bien » acheter. Je me suis donc forgée un avis et je ne ferai plus mes courses sur Amazon. 



Le but donc de cet article ? Suffisamment titiller votre curiosité pour vous donner envie de vous documenter. Ou pas. Je vous invite en tout cas à lire l’article cité ci-dessus, que vous trouverez en kiosque et sur le web. L’auteur de cet article, Jean-Baptiste Malet, a publié un livre, en mai 2013, intitulé En Amazonie : Infiltré dans le « meilleur des mondes » et édité chez Fayard. Je ne l’ai pas lu, il ne fait donc pas parti de mes sources. Petit truc rigolo : il est en vente sur Amazon :)


Bien entendu, je vous invite également à croiser vos sources. 

Sources :


Marc JAMMET, « La dimension économique de l’édition » dans E. Payen, dir., Les bibliothèques dans la chaîne du livre, Paris, Cercle de la librairie, 2004, p. 55-90.


Jean-Baptiste MALET, « Amazon, l’envers du décor », Le Monde diplomatique, n°716, novembre 2013, p. 20-21.

Grégory MARIN, « Jean-Baptiste Malet ; l’internaute doit savoir ce qu’il y a derrière l’écran », l’humanité.fr, 2 mai 2013, consulté le 29/11/2013.


François ROUET, « Diffusion et distribution : place et enjeux pour la filière du livre et l’offre non marchande des bibliothèques » dans E. Payen, dir., Les bibliothèques dans la chaîne du livre, Paris, Cercle de la librairie, 2004, p. 125-142.

Laurence TARIN, « Production du savoir et industries culturelles » dans Y. ALIX, dir., Le métier de bibliothécaire, Paris, Cercle de la librairie, 2013, p. 77-96.



mercredi 20 novembre 2013

Bienvenue à Krafton... par Ozer


«Les lois sur le meurtre, et même les exigences de Dieu, n’accordaient pas la paix. Pas toujours. Il resterait la douleur ». 

Qu'est-ce qu'une nouvelle ? C'est un genre littéraire, la nouvelle est un récit de fiction court et en prose. 

Quelle est sa structure ? Théoriquement et contrairement au roman, elle est centrée sur un seul événement. L'action commence rapidement. Les personnages sont peu nombreux et sont moins développés que dans le roman. Le final est souvent inattendu, il prend la forme d'une « chute » qui peut-être longue de quelques lignes seulement.


Alors je m'interroge... Pourquoi Heathcock a réduit La fille, énigmatique et sombre récit à une nouvelle ? La vie et l'histoire de ses pathétiques personnages ne sauraient tenir qu’en trop peu de lignes. Car oui, Ce récit est trop à l'étroit dans son costume de nouvelle, quel dommage, son tailleur aurait dû lui proposer la taille roman XL .. Non, on ne peut pas mettre 50 cl d'un bon vieux whisky dans un flacon qui ne peut en contenir que 40, on en met forcément à côté !

Mais, amis lecteurs soyez sans crainte, Volt, œuvre d'un grand lyrisme, est un livre solide et Alan Heathcock, originaire de Chicago, qui se consacre actuellement à son premier roman, ne vous laissera pas indifférent. Volt propose huit nouvelles sombres et douloureuses aux personnages parfois récurrents. Si les histoires de Heathcock sont truffées de références bibliques, Krafton, petite ville miteuse imaginaire où se déroule l'action n'a rien du paradis, mais ce n'est pas (encore) l'enfer non plus...

Un filet de lumière, souvent vacillant éclaire juste suffisamment les quelques fantômes fatigués encore lucides survivant dans ce bled usé sur lequel s’abattent inondation, meurtres, accidents funestes, drames familiaux, non-dits assassins, et autres secrets inavouables : un homme réveille son fils adolescent au beau milieu de la nuit afin de l'assister à faire disparaître le corps de sa victime qu'il vient de fracasser. Une femme, la shérif du bled, décide de faire justice elle-même, pour être certaine qu'une ordure reçoive le châtiment qu'il mérite. Des adolescents s'imaginent une future vie loin de Krafton, mais un drame va les changer à jamais. Un meurtre pour le vol d'un pick up va rendre dingue la fille de la victime, qui a son tour va commettre le pire dans un labyrinthe improbable. Un fermier responsable de la mort de son mioche s'enfuit  sans prévenir et se retrouve bête de foire...

« Peut-être que les choses horribles sont tout ce qu’il reste à Dieu pour nous rappeler qu’il est vivant. »

Alan Heathcock, Volt, éditions Albin Michel, collection « Terres d’Amérique », traduit de l’américain par Olivier Colette, septembre 2013, 300 pages, 23 €.

Ozer



lundi 18 novembre 2013

Episode 3 : Le prix Renaudot, une voix de la presse

À l’instar du prix Femina, le prix Renaudot est né d’une réaction face au prix Goncourt. Mais le parallèle s’arrête là. Car, si le Goncourt est issu d’une volonté de donner ses lettres de noblesse au roman, si le Femina a pour but de valoriser les auteurs tous sexes confondus, le prix Renaudot est décerné à l’origine par dix journalistes et critiques littéraires qui attendent, autour d’un déjeuner, le nom du lauréat du prix Goncourt. Il s’agit donc d’un prix « officieux », qui trouve sa genèse dans l’ennui (et la faim !) des journalistes qui couvrent l’événement. Depuis 1926, les « dix du Renaudot » se réunissent donc le même jour que les « dix du Goncourt » et se prononcent traditionnellement après ces derniers. Souvent, deux ouvrages sont sélectionnés, au cas où l’un d’entre eux serait nommé par le Goncourt. Il flotte donc comme un léger parfum de rectification du prix décerné par l’académie.

Mais pourquoi Renaudot ? Non, il ne s’agit pas du nom du fondateur mais de Théophraste Renaudot, né en 1586. Ce vieux monsieur, médecin et philanthrope, est également considéré comme le fondateur de la presse en France, avec la Gazette, outil de propagande et d’information. Il n’est effectivement pas possible de parler de presse libre : « Renaudot n’a jamais caché l’état de subordination dans lequel se trouvait son journal : “Ma plume n’a été que greffière”. Et les propos du cardinal : “ La gazette fera son devoir ou Renaudot sera privé des pensions dont il a jouy jusqu’à présent. ” » (Site internet du musée Renaudot, Loudun). Le prix Renaudot est donc un prix décerné par des hommes et des femmes à l’origine issus du monde de la presse.

Il est intéressant de noter les différentes orientations des prix qui aujourd’hui participent pleinement à la vie littéraire et économique du livre : le Goncourt est une fondation reposant sur des hommes de lettres pour la défense d’une forme artistique, tandis que le prix Femina ainsi que le prix Renaudot sont nés d’une volonté d’offrir au lecteur le son d’une autre voix, celle de la presse.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Le Renaudot, tout comme les autres grands prix littéraires, essuie des critiques : magouilles entre les éditeurs, auteurs, membres du jury… Le Renaudot 2007 est d’ailleurs souvent cité pour illustrer cela. En effet, cette année-là, c’est Daniel Pennac qui est primé. Le problème ? Son ouvrage était absent de la sélection…

Il est cependant rassurant, je trouve, de voir qu’un prix né d’un déjeuner informel entre collègues, puisse perdurer. En effet, cela prouve (ou prouvait ?), sans démagogie, que la littérature est avant tout une affaire de lecteurs. Car, au final, c’est l’avis de ces derniers qui va permettre, ou non, de faire d’une œuvre inconnue, une création reconnue.

Sources :

Site référence du prix Renaudot : http://www.prixrenaudot.org/

Edition numérique du Dictionnaire des journalistes (1600-1789), confié à l’UMR LIRE (Unité mixte de recherche sur la Littérature, Idéologies, Représentations au XVIIIe et XIXe siècles, université Lumière Lyon 2) et à l’Institut des Sciences de l’Homme : http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/677-theophraste-renaudot

Le site internet du Musée Renaudot à Loudun : http://www.museerenaudot.com/press_f.htm



vendredi 15 novembre 2013

Au nom de tous les miens de Martin Gray, par Malo

Né à Varsovie en 1924, de confession juive, Martin Gray connaît dès ses dix-sept ans, l’horreur de la seconde guerre mondiale. Très vite et malgré son jeune âge, une force puissante l’anime et son but est de survivre et faire survivre sa famille. Il met tout en œuvre pour y parvenir et ce, malgré le danger, les déportations, les humiliations… Même lorsqu’il perd sa famille, Martin persiste à vouloir non seulement vivre, mais aussi vaincre. Vaincre pour raconter cette abominable vérité des camps nazis. 

Cette fureur de vivre se traduit par un style d’écriture rapide. La mort d’un être cher se raconte en deux-trois lignes, les événements heureux également. Martin ne s’attarde jamais. C’est un livre douloureux, tant par l’atrocité du contenu, que par le style. Bien que les mots utilisés soient simples, le rythme rapide, la multitude de lieux parcourus, les nombreuses personnes qui ont croisées son chemin, les divers surnoms employés rendent la lecture ardue… Un vrai parcours du combattant semblable à celui que le héros de l’histoire / Histoire a mené. Infatigable, Martin prend enfin le temps de vivre lorsqu’il rencontre Dina qui deviendra sa femme et la mère de ses quatre enfants. 

Confortablement installé dans le sud-est de la France, dans cette « forteresse » qu’il avait fantasmé depuis toujours, il profite enfin de la vie à travers des plaisirs simples : la beauté du paysage qui l’entoure, une alimentation saine, voir grandir ses enfants. Cette plénitude ne durera que dix ans, jusqu’au jour où sa femme et ses quatre enfants seront décimés par un incendie. Le sort s’acharne sur Martin, et sa propre mort est une issue à laquelle il a pensé de nombreuses fois. Malgré tout, il décide de continuer à vivre, animé par cette combativité qui l’a toujours accompagné. Une vie qu’il mène pour lui mais aussi et surtout, pour les siens… pour continuer à les faire vivre à travers son récit et ses engagements, notamment la fondation Dina Gray.

Ce livre est donc, en plus d’être un témoignage fidèle de l’Histoire, une formidable leçon de vie et également une source profonde d’espoir en l’Homme qui, même dans l’adversité, est capable de renaître et de produire le meilleur.


« Mais je veux encore dire, encore continuer, être fidèle. Vivre, vivre jusqu’au bout et un jour, si vient le temps, donner à nouveau la vie pour rendre ma mort, la mort des miens impossible, pour que toujours, tant que dureront les hommes il y ait l’un d’eux qui parle et qui témoigne au nom de tous les miens. »

Malo

Martin Gray, Au nom de tous les miens, Pocket, 2012 

vendredi 25 octobre 2013

Épisode 2 : le prix Femina ou l’esprit de revendication

Comme le nom l’indique, le prix Femina semble, de prime abord, surtout être une affaire de nanas. Né en 1904, il est contemporain du Goncourt, qui a refusé de primer une femme. Le prix Femina est donc l’expression d’une contestation, mais également d’une revendication : la reconnaissance des femmes de lettres, en ce début de XXe siècle.

Contrairement au Goncourt, le prix Femina n’est donc pas né d’un rêve, mais bien d’une réalité à laquelle les femmes qui écrivent sont confrontées : l’absence de reconnaissance et la difficulté d’être reconnue en tant qu’auteur. Son originalité repose aussi sur le fait qu’il est issu de la presse féminine, qui connait un bel essor au début du XXe siècle. Il est drôle de constater que le magazine Femina et Vie heureuse, à l’origine du prix Femina, ont été fondés par des hommes.

Il ne s’agit donc pas, par ce prix, de déclarer la guerre à la gente masculine, mais bien de revendiquer une place réelle pour les femmes, au sein du monde littéraire et culturel. Il est aussi question de « business » : il ne faut pas oublier que la lecture, surtout à cette période, est une activité assez féminine. Ces femmes – et ces hommes ! - surfent sur la vague, peu exploitée, de la création et de l’expression féminine. Le refus du Goncourt pourrait finalement être perçu comme une aubaine…

Il y aurait beaucoup à dire sur la presse féminine au XXe siècle. Retenons juste, pour le prix Femina, que le développement de magazines féminins, placés entre vie pratique, culture et émancipation – ce qui est d’ailleurs encore le cas aujourd’hui pour un bon nombre d’entre eux- a contribué à la reconnaissance de l’écriture féminine.


Aujourd’hui, le prix Femina fait parti des récompenses littéraires les plus convoitées. Son jury et sa présidence sont toujours exclusivement féminins. Cela n’empêche pas de récompenser les auteurs des deux sexes, pourvu que le texte soit de langue française, en prose ou en poésie. Comme les autres prix, le Femina s’est depuis ouvert à la littéraire étrangère et à l’essai. 

Sources :
DUCAS Sylvie, "Le prix Femina : la consécration littéraire au féminin", Recherches féministes, vol. 16, n°1, 2003, p. 43-95.http://www.erudit.org/revue/rf/2003/v16/n1/007343ar.html/fr-fr/007342ar.html?vue=integral

lundi 14 octobre 2013

Episode 1 : le rêve des Goncourt

Jules et Edmond ont un projet : reconstituer l’ambiance des salons littéraires du XVIIIe siècle. Tout les deux férus de littérature et d’art, ils se démarquent par leur sensibilité et leur écriture. Mais Jules meurt soudainement. Edmond réalise donc seul le rêve de ces deux esprits intimement liés et ouvre en 1884 le Grenier, situé au dernier étage de leur hôtel particulier. Il s’agit d'un salon littéraire, fréquenté par les dix, qui formeront plus tard la première académie. Le second frère Goncourt meurt en 1896. Il n’a pas eu le temps de constituer la société littéraire Goncourt, tâche qui incombe alors à Alphonse Daudet, le légataire universel. Le but est de décerner un prix à une œuvre d’imagination en prose. 

Nous sommes à la fin du XIXe siècle, et l’Académie Française a refusé d’immortaliser Balzac, Flaubert, Zola, Baudelaire. La société littéraire Goncourt va alors très vite devenir Académie, pour s’opposer à l’Académie française. La première se tient le lundi 21 décembre 1903. Le vote a lieu au restaurant Champeaux, situé place de la Bourse à Paris. C’est John-Antoine Nau qui reçoit le premier Goncourt, avec Force ennemie, aux éditions La Plume. Mais pourquoi le vote a-t-il lieu dans un restaurant ? Parce que l’académie n’a pas de siège à proprement parlé. De la nourriture, des débats : tout ce qu’il faut pour passer un bon moment entre amoureux de la littérature. La nomination de John-Antoine Nau passe quasiment inaperçue. Mais dès la seconde année, le prix fait parler de lui.

Aujourd’hui la tradition est respectée : les dix se réunissent toujours au restaurant Drouant. Tous les mois ils se retrouvent, et en novembre, il faut choisir. Les échanges sont parfois houleux, les délibérations longues. Une certaine effervescence est palpable. Cependant il semble que le prix Goncourt ait perdu un peu de son impertinence : pas de prises de risque diront certains, trop prévisibles diront d’autres. Je n’ai pas encore suffisamment suivi les choix de l’académie Goncourt pour pouvoir en juger. Quoi qu’il en soit, ce prix est toujours considéré comme une référence et les débats qu’il provoque, prouvent que les prix littéraires sont nécessaires, ne serait-ce que pour l’émulation qu’ils suscitent.

Les prix littéraires

Avec l’automne, arrive la période des prix littéraires : Goncourt, Renaudot, Femina, Médicis… pour les plus connus. Mais ils appartiennent en réalité à une grande famille dans laquelle certains récompensent des romans historiques, d’autres des polars ou encore des auteurs régionaux. Et cette famille est bigrement influente !

En effet, le petit bandeau rouge et blanc rassure : le lecteur va pénétrer dans un univers récompensé par des gens de lettres, des savants, des critiques littéraires. L’œuvre est validée, estampillée. Mais quelle est leur utilité, mis à part donner un sacré coup de pouce aux ventes ? Ils font partis de notre quotidien, mais qu’est-ce que c’est, un prix littéraire ?

Une enquête s’impose, et pour bien assimiler, il faut d’abord absorber et digérer… Cette image du système digestif mis à part, il est clair qu’une bonne compréhension d’un sujet, mérite que l’on s’y attarde, que l’on prenne son temps… et que l’on prenne plaisir. Alors je ne vous assommerai pas avec un long et unique billet… mais avec plusieurs, à l’image des feuilletons. Prêts ?

vendredi 4 octobre 2013

Le diable est dans les détails... par Ozer

"...les gens paraissent souvent penser que leur seule chance de bonheur, c’est de partir et de tout recommencer ailleurs, mais la plupart ne sont pas conscients du fait qu’ils déplacent du même coup leurs problèmes avec eux.
Qu’importe l’endroit, il y a de fortes chances pour qu’ils continuent à être la même personne. Bien que je pense qu’il puisse y avoir des exceptions, j’en ai eu la confirmation à bien des reprises.
Mais je crois à la possibilité de la rédemption et je pense que mes livres le prouvent à leur manière, même si je dois admettre que ces moments de grâce sont parfois fugitifs..."

Donald Ray Pollock

Donald Ray Pollock a vu le jour en 1954 à Knockemstiff dans l'Ohio, un bled situé à quelques encablures de l'US highways 50, entre Hillsboro et Chillicoth, ville où Pollock vit actuellement.
Il attendra son quarantième anniversaire et des litres d'alcool pour décider d'abandonner son boulot abrutissant dans l'usine locale de pâte à papier qui l'emploie depuis plus de 30 ans, pour devenir écrivain... I
l s'inscrit à des cours d'écriture à l'Université d'État de l'Ohio et en 2008 est publié son premier ouvrage, un recueil de nouvelles intitulé Knockemstiff (éd. Buchet-Chastel, 2010). Ce recueil de 18 nouvelles sanglantes, raconte la vie de merde de loosers rêvant de soleil... Serait-il question de la vie de ses voisins de Knockemstiff , peut-être bien...

En février 2012, alors que s'éteint
Whitney Houston et que l'équipe de Zambie remporte la Coupe d'Afrique des nations de football, en France, une histoire qui ressemble à la fin du monde, ayant pour titre Le Diable tout le temps est disponible en librairie... La critique est dithyrambique, le succès est immédiat, premier roman, premier coup de maître !

Ce roman policier crépusculaire, s'interroge à travers plusieurs destins croisés traversés par un personnage, sur la part d'ombre qui réside en chacun de nous.
Dans cette histoire on y retrouve la même bande de paumés que dans Knockemstiff. Pollock a trouvé une encre encore plus noire, son style, ses mots (maux) torturés passent du lyrisme le plus sombre au dialogue ravageur. Le pessimisme de ce roman est tel qu'aucun personnage n'en ressort indemne, même si...

Le Diable tout le temps, œuvre hypnotique, vous replongera certainement dans le sombre Sanctuaire de Faulkner... Bonne lecture.

Ozer.



Le Diable tout le temps, The Devil all the time, traduit de l'anglais (États-Unis) par Christophe Mercier, Ed. Albin Michel, coll. Terres d'Amérique, 380 pages, 2012, roman policier.



jeudi 19 septembre 2013

Microcosme et macrocosme

Jérôme Ferrari, Le sermon sur la chute de Rome, Acte sud, 2012

Trois générations sont représentées, avec leurs souvenirs, leurs projets, leurs désillusions. Le récit se développe autour de Libero et Mathieu, qui abandonnent des études prometteuses en philosophie pour suivre en Corse les enseignements de Leibniz : ils souhaitent faire d’un débit de boisson perdu dans un village loin de la côte « le meilleur des mondes possibles ». Mais les fondations sont en argile : Libero a renoncé non seulement à ses études mais également à sa foi en l’homme. Mathieu, qui n’a jamais accepté ce qu’il est, se crée un monde imaginaire, où tout va pour le mieux… et « l’enfer en personne s’invite au comptoir ». En marge, les histoires des membres de la famille de Mathieu, offrent le même constat : rien ne dure. Et qui plus est, tout est éternel recommencement. En toile de fond, le sermon sur la chute de Rome, prononcé par Augustin, au Ve siècle, à Hippone : la ville « éternelle » est tombée sous les assauts d’Alaric. Toute une conception du monde est remise en cause et Augustin cherche à apaiser les âmes, en leur expliquant que rien n’est éternel ici bas (je réduis certainement son propos, désolée !).

L’homme aussi est un monde, un microcosme, qui naît, évolue et chute, irrémédiablement. Il cherche, d’une manière ou d’une autre, à s’inscrire dans l’éternel. Certains alors nient cet état, d’autres refusent l’oubli. Chaque personnage gère donc – ou pas – à sa manière cette sensation de course vers le néant. Mais la vie, les projets doivent prendre le dessus, il ne peut en être autrement. A mon sens, la question du choix est également primordiale dans ce roman : certains renoncent, d’autres s’emploient à construire, même si le terrain est instable.

Les titres des chapitres reprennent le sermon de Saint Augustin et donnent le ton : « Peut-être Rome n’a-t-elle pas péri si les Romains ne périssent pas », « Toi, vois ce que tu es. Car nécessairement vient le feu. », « Car Dieu n’a fait pour toi qu’un monde périssable. ». L’écriture de Jérôme Ferrari est exigeante, prenante, parfois étouffante : les pensée des personnages se bousculent et se perdent parfois dans un chaos, illustration de leur état. Des moments de respiration laissent entrevoir des instants de paix, d’équilibre.


La vie de certains personnages est détruite et c’est le renoncement. D’autres ont connu la destruction et se reconstruisent. L’écriture, parfois alambiquée, illustre la complexité du sujet, qui, en somme a autant de développements possibles que de mondes existants. Et le vôtre, de quoi est-il fait ? 

mardi 10 septembre 2013

Bientôt bientôt!

Clikety revient bientôt avec quelques billets! Cela fait un mois que rien n'a été posté mais le blog n'est pas mort né : il cherche encore sa vitesse de croisière ;) 

En ce moment, que lisez-vous?

mardi 6 août 2013

L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet : un récit initiatique engagé

LARSEN Reif, L'extravagant voyage
Livre de Poche, 2011
Ce premier roman de Reif Larsen n'est plus à présenter : paru aux éditions NiL en 2010, l'histoire extraordinaire du jeune Tecumseh Sansonnet Spivet est, depuis 2011, entré dans la grande famille des éditions Livre de Poche. Le succès est tel qu'une adaptation au cinéma est proposée fin 2013. Du haut de ses 12 ans, le jeune cartographe et illustrateur scientifique va traverser les États-Unis à la manière des hobos, pour rejoindre le musée Smithsonian, à Washington D.C., afin de recevoir un prix. Le récit est accompagné de dessins de ce jeune garçon qui cartographie tout : ses rêves, l'épluchage des épis de maïs, la trajectoire des petits pois lors des dîners.

Le lecteur se retrouve immergé dans la tête un petit bonhomme génial, qui décortique la réalité avec poésie, rigueur et lucidité. Sa candeur face aux événements qui vont jalonner son voyage pointe du doigt la froideur du monde, sa violence mais également sa générosité et sa beauté. T.S. Spivet sait regarder et analyser ce qui l'entoure, chose que nous oublions souvent de faire, pris que nous sommes dans le tourbillon du quotidien. Le petit garçon va alors évoluer au fil du récit, mais également découvrir sa famille, grâce à un petit carnet dans lequel sa mère raconte l'histoire de son arrière grand-mère, la première femme scientifique de la famille. C'est aussi le récit d'une lutte, contre l'ignorance, la médiocrité, l'indifférence et le paraître.

Le choix d'une écriture introspective est donc parfaitement adaptée. Mais si elle est vive et un peu décousue au début du récit - nous marchons au milieu des pensées d'un petit homme ! - , elle ralentit progressivement et peut-être devient-elle un peu trop (?) ordonnée par la suite : la lecture du carnet par le héros l'exigeait certainement. Mais la spontanéité de la pensée est toujours présente dans les dessins.

Reif Larsen nous offre donc un beau récit initiatique engagé : il invite le lecteur à se faire sa propre perception du monde qui l'entoure:  il y a de la beauté et de l'intelligence partout, il faut « juste » apprendre à regarder.

Petit coup de cœur donc !